Faux souvenirs induits en psychothérapie et fausse mémoire

Les thérapies des souvenirs retrouvés

Ces thérapies des souvenirs retrouvés sont dans la littérature appelées soit :

TMR,thérapies de la mémoire refoulée ou retrouvée
TSR, thérapies des souvenirs refoulés, réprimés ou retrouvés
TRS, thérapies par récupération de souvenirs
RMT, Repressed Memory Therapy
ART, Age Regression Therapy
DEPT, Deep Emotional Processing Therapy
etc.
Quel que soit le vocable utilisé, les objectifs sont les mêmes. Il s’agit de retrouver par la thérapie à l’âge adulte des souvenirs d’abus sexuels « réprimés, refoulés » (au sens freudien), survenus dans l’enfance. Ces thérapies utilisent la suggestion et s’appuient sur la conviction du thérapeute, qu’il transmet à son patient, que les difficultés psychologiques rencontrées sont dues à une seule cause, l’abus sexuel subi dans l’enfance et dont le souvenir retrouvé en thérapie va permettre de « se libérer » et de « guérir »

Le credo de ces thérapeutes est analysé un peu plus loin

 

La manipulation mentale

La manipulation mentale conduit des patient(e)s en psychothérapie, qui avaient gardé de leur enfance le sentiment qu’ils ou elles avaient été heureux, à « retrouver » sous l’influence de leur thérapeute des souvenirs d’abus sexuel jusque là ignorés.

La manipulation mentale du thérapeute réussit si le patient ne parvient pas à la déjouer et a le sentiment de découvrir par lui-même l’origine de ses troubles. Cela prouve seulement l’habileté du psychothérapeute, car il parvient à donner au patient le sentiment qu’il est libre dans cette recherche de faux souvenirs et que son « oubli » des abus sexuels subis dans son enfance est explicable par le refoulement inconscient, mécanisme psychologique destiné à le protéger de la souffrance provoquée par ces évènements douloureux. Les mécanismes de cette manipulation sont analysés dans quelques articles récents. Retrouvez plus d'informations sur la manipulation mentale par la suggestion thérapeutique  en cliquant ici On pourra aussi consulter l'analyse d' Isabelle Levert, psychologue clinicienne, sur « la manipulation, ses procédés et ses parades ».cliquer ici

Delphine Guérard, psychologue-psychanalyste parle d'embrigadement théorique du thérapeute déviant qui « encourage activement le patient à rechercher dans ses souvenirs, dans son passé, les faits illustrant La Théorie. La Théorie n’est pas considérée comme un ensemble d’hypothèses à interroger, mais il s’agit d’un corpus sacré qui explique tout. »

L'émission «Les Infiltrés» de France 2 enfin, nous fait pénétrer pendant 25 minutes dans le cabinet d'une thérapeute qui fait surgir les faux souvenirs du néant. A lire le compte-rendu de l'émission. Vous pouvez aussi visionner l'extrait vidéo sur ce site.

La persistance des faux souvenirs

Une enquête a été spécifiquement ciblée sur les « retractors » (les victimes de faux souvenirs qui se rétractent) dans deux pays, aux États-Unis avec le concours de la FMSF et au Royaume Uni, avec l'aide de la BFMS. L'auteur principal en est James Ost, chercheur à l'Université de Portsmouth, Département de Psychologie. Les résultats sont publiés dans l'article : « A Perfect Symetry ? » (Ost, 2002) L'objectif de cette étude était notamment de mesurer la différence du temps nécessaire à l'apparition de faux souvenirs d'abus sexuel en thérapie avec celui qui est pris pour revenir sur les accusations et se rétracter :

- le temps moyen pour retrouver les premiers souvenirs refoulés est de 8,6 semaines après le début de la thérapie.

- le temps moyen pour se convaincre que ces souvenirs étaient faux est de 4,5 années.

Cette asymétrie montre la rapidité du processus initié par la thérapie et la difficulté de se défaire ensuite des croyances ainsi introduites. On notera que plusieurs « retractors » ont déclaré avoir subi une pression de leur thérapeute pour ne pas se rétracter.

On retrouve ici une analogie avec le vécu des victimes de sectes.

Les conséquences sont graves

Ces thérapies de la mémoire retrouvée engendrent:

- L'aggravation de l'état du patient en lieu et place de sa guérison.
- La déstabilisation des parents, des frères et des sœurs.
- La coupure du patient avec sa famille
- La dépendance totale du patient à l'égard de cette thérapie abusive qui a implanté ces faux souvenirs dans son esprit.

La journaliste de France 2 dans le reportage Les Infitrés ( voir cette page) conclut son investigation et récapitule les caractéristiques communes à ces dérives sectaires :
Manipulation mentale
Escroquerie financière
Isolement
Rupture avec l’environnement familial

Le credo des thérapeutes diplômés américains

L'étude de M. Yapko

Etude de Michael D. Yapko en 1992 aux USA publiée dans le livre: "Suggestion of Abuse True and False Memories of Childhood Sexual Trauma", NY Simon & Schuster, 1994.

- Données collectées auprès de plus de 800 psychothérapeutes participant aux conventions nationales de psychologie:

- Age moyen des répondants: 44 ans

- Niveau d’études : au-delà du niveau Master et ayant une expérience clinique de plus de 11 ans

Pourcentage de réponses

 

Je suis d’accord avec l’affirmation suivante

40%

Je crois que des souvenirs précoces, même  ceux des premières années de la vie, son enregistrés avec précision et son récupérables

40%

Si les gens ne se souviennent pas bien de leur enfance, c’est en raison d’évènements traumatiques

60%

Un évènement que quelqu’un ne peut pas se remémorer doit avoir été refoulé.

36%

Si un client croit qu’un souvenir est vrai, je dois aussi croire qu’il est vrai si je veux l’aider

84%

La régression vers le passé par l’hypnose (hypnotic age regression) est une technique utile.

75%

 L’hypnose permet aux gens de se souvenir précisément d’évènements oubliés.

47%

 Les psychothérapeutes peuvent avoir une confiance supérieure  dans les détails d’un évènement traumatique lorsqu’il est obtenu par l’hypnose plutôt que par d’autres méthodes *

31%

Quand quelqu’un a le souvenir d’un traumatisme sous hypnose, celui-ci doit objectivement s’être produit 

28% !!!

L’hypnose peut être utilisée pour retrouver des souvenirs de vies antérieures.

 

16%

Il est impossible d’implanter des faux souvenirs chez un patient 

 

Le livre de N. Spanos

Les mythes associés à l’hypnose sont dénoncé par Nicolas Spanos :Faux souvenirs et désordre de la personnalité multiple, De Boeck Université s.a. 1998, p.21 :

* « Ces croyances culturellement admises au sujet de l’hypnose, sont notoirement démontrées comme erronées.. depuis plus de 30 ans ».


Les études de D. Poole

Etude nationale de Debra A. Poole et D. Stephen Lindsay  conduite au hasard auprès de psychologues américains du niveau Doctorat et ayant une part substantielle de clients de sexe féminin.

Poole Debra A. and D. Stephen Lindsay

Psychotherapy and Recovery of Memories of Childhood Sexual Abuse: Beliefs, Practices and Experiences (version1), Unpublished paper; 1994.

Poole Debra A. and D. Stephen Lindsay

“Psychotherapy and Recovery of Memories of Childhood Sexual Abuse: US and British Practitioners’ Opinions, Practices and Experiences (version2), Unpublished paper; 1994.

 

Nombre de répondants : 86

 

 

Pourcentage de réponses

Réponses

76%

Ont utilisé l’une des techniques suivantes pour retrouver des souvenirs :

- régression vers le passé par l’hypnose

- interprétation des rêves

- imagerie guidée

- utilisation de photos  de famille comme indices de la mémoire

- interprétation de symptômes physiques comme souvenirs corporels

60%

Reconnaissent utiliser 2 ou plus de ces techniques

85%

Affirment que certains patients qui avaient nié au départ des souvenirs d’abus sexuels s’en sont souvenus plus tard pendant la thérapie

Quelques thérapeutes ont affirmé que tous leurs patients ont retrouvé des souvenirs

52%

Ont affirmé qu’après la première séance ils étaient à peu près certains qu’ils avaient affaire à un cas de souvenirs refoulés

43%

Ont recommandé à leurs patients de lire « The Courage to Heal »

8%

N’ont jamais eu de jugement rapide concernant l’abus sexuel, les techniques suggestives, et ne considèrent pas   le fait de retrouver des souvenirs comme un objectif thérapeutique important

 

Etude complémentaire de Debra A. Poole et D. Stephen Lindsay en 1994 en reprenant le texte des  questions  pour savoir si toutes les patientes avaient ses souvenirs retrouvés en thérapie, étendue au Royaume Uni.

Nombre de répondants : 56

 

Pourcentage de réponses

Résultats

25%

Le nombre de thérapeutes focalisés sur la mémoire

34%

Des patientes qui avaient nié au départ des abus sexuels s’en sont souvenues plus tard au cours de la thérapie