Faux souvenirs induits en psychothérapie et fausse mémoire

Faux souvenirs: Le refoulement
Dernière mise à jour le 15 mars 2015


Actualité sur le refoulement


Adolf Grünbaum, psychanalyse et le concept de refoulement

Adolf Grunbaum

Avant-propos :
Le livre d’Adolf Grünbaum apporte un éclairage nouveau sur la question. Nous avons donc tenu à mettre ce document à la disposition des lecteurs de ce site.

Voici l’analyse d’Adolf Grünbaum (1) dans son livre : Les Fondements de la psychanalyse (The Foundation of Psychoanalysis, 1984 – traduction française, 1996 introuvable en librairie). Cet ouvrage, publié en 1984, bien avant les travaux de Richard McNally et d’autres chercheurs sur le refoulement, est un texte précurseur des multiples vérifications expérimentales qui ont suivies *.
* Note : Voir ci-après l’article de synthèse très complet, sur les travaux de recherche sur le refoulement, du Dr.August Piper, psychiatre à Seattle et Linda Lillevik avocate, (publié en 2008 par l’American Psychological Association).

Ce compte rendu de lecture (2) du livre a été publié par Thomas Lepeltier (3). A lire ...ici ou ...ici
Voici questions principales traitées :
- Quelle validité de la psychanalyse ?
- Freud est-il le théoricien de la « mémoire retrouvée » ?
- Succès thérapeutique ? Ou effet placebo ?
- Le refoulement tient-il vraiment les promesses de Freud ?
- Que conclure ?

Thomas Lepeletier écrit :
"Faut-il en conclure que la psychanalyse n’est qu’une mystification ? Grünbaum semble tout prêt à le penser. Il laisse néanmoins la porte ouverte pour qu’elle se défende et qu’elle avance quelques données empiriques à l’appui de ses thèses. Pour l’instant il considère que, face aux accusations de contamination, elle n’a pas été capable de montrer que sa méthode thérapeutique était un moyen fiable de se rafraîchir la mémoire. Il considère qu’elle ne tient pas compte du caractère étonnamment malléable de la mémoire humaine (on peut avoir des pseudo-souvenirs d’événements qui ne sont jamais arrivés), que ce soit sous l’influence de croyances, d’anticipations théoriques ou de questions orientées. Le seul argument que Freud mettait en avant pour échapper à cette critique était le succès thérapeutique.
Mais Grünbaum considère que la thérapie psychanalytique n’a jamais montré une meilleure efficacité que des traitements jouant un rôle de placebo. Quand bien même ces doutes ne seraient pas justifiés, la théorie du refoulement, des actes manqués et des rêves ne lui semble pas du tout fondée.
- La théorie psychanalytique n’a jamais rendu crédible la fonction pathogène du refoulement,
- ni la valeur thérapeutique de la prise de conscience de ces mêmes refoulements.
Alors si l’on considère en plus que les souvenirs exhumés par la méthode psychanalytique ne sont pas fiables, il est clair que ces dernières thèses deviennent extrêmement douteuses."

(1) Adolf Grünbaum est né en 1923, à Cologne, (Allemagne) est professeur de philosophie (chaire Andrew Mellon) à l’Université de Pittsburg (USA). C’est un philosophe des sciences. En plus d’être professeur de philosophie des sciences, il est professeur de recherche en psychiatrie (depuis 1979), et professeur de recherche primaire dans le département d’histoire et de philosophie des sciences (depuis 2006). Il s’intéresse à la psychanalyse depuis 1977. Le 25 Juin, 2013, le Président de la République fédérale d’Allemagne a attribué à Grünbaum la Croix du Mérite fédéral, 1ère classe de la République fédérale d’Allemagne pour ses «réalisations exceptionnelles».

(2) Extrait de l’article : Les Fondements de la psychanalyse. Une critique philosophique, d’Adolf Grünbaum, Compte rendu de lecture du livre par Thomas Lepeltier. Traduit de l’anglais par Jean-Claude Dumoncel, et révisé par Élisabeth Pacherie, PUF (Sciences Modernité Philosophies), 1996 [1984]. http://thomas.lepeltier.free.fr/cr/grunbaum.html

(3) Thomas Lepeletier est un historien et un philosophe des sciences, de formation scientifique (doctorat d’astrophysique). Il est l’auteur de cinq livres: “Darwin hérétique” (2007); “Vive le créationnisme! Point de vue d’un évolutionniste” (2009); “Univers parallèles” (2010); “La Révolution végétarienne” (2013); “La Face cachée de l’univers. Une autre histoire de la cosmologie” (2014). Il a également dirigé l’ouvrage “Un autre cosmos?” (2012), ainsi que l’ouvrage “Histoire et Philosophie des sciences” (2013). Il est enseignant (actuellement chargé de cours à l’Université d’Oxford).


Faut-il croire au refoulement ? L’analyse d’August Piper

Madame B. Axelrad publie un article du Dr.August Piper que vous pourrez lire (en français) en intégralité sur son site : ...ici
Lire l'article original en anglais : à lire ici.

August Piper

Avant-propos
Depuis 2009, je m’intéresse au concept de “refoulement” et à la théorie de “l’amnésie dissociative traumatique” mis en avant pour justifier les thérapies de la “mémoire retrouvée”. L’article du Dr. Piper fait un point complet sur cette question. J’ai donc tenu à mettre cet article à la disposition des lecteurs de ce site. Je l’ai traduit en français et ajouté les titres de paragraphes pour en faciliter la lecture.

Il a été écrit, en 2008, par le Dr. August T.Piper, psychiatre à Seattle, Washington, Linda Lillevik avocate spécialisée dans la protection de l’enfance, et Roxanne Kritzer de Seattle University School of Law. Il est publié dans Psychology, Public Policy, and Law 2008, Vol. 14, No. 3, 223–242 sous le titre : “WHAT’S WRONG WITH BELIEVING IN REPRESSION?”.

Il est destiné, par les auteurs, à éclairer les avocats et les juges États-Uniens sur : les souvenirs retrouvé en thérapie, l’amnésie dissociative traumatique et le refoulement. La revue comprend l’analyse des travaux scientifiques réalisés jusqu’en 2008. Je l’ai traduite pour les juristes français, les élus de la République, et nos lecteurs. Les sous-titres de paragraphes on été ajoutés pour faciliter la lecture.

Note : le terme anglais “repression” peut se traduire, selon le contexte, par “répression” ou “refoulement”. Selon la théorie psychanalytique de S.Freud, le refoulement les souvenirs de traumatisme dans l’inconscient est involontaire. Les gens auraient tendance à refouler ces souvenirs de traumatisme quand ils sont trop douloureux ou difficiles à gérer .

En conclusion de l'article le Dr. August Piper écrit:
"En 1999, Faigman et ses collègues, en citant la décision Hungerford (697 A.2d 916 [NH 1997] à 929) ont déclarés que le jour n’était pas encore arrivé où les souvenirs refoulés et récupérés pourraient être perçus comme fiables. Neuf ans plus tard, ce jour-là n’est pas encore arrivé. La présente étude montre qu’en 2008, la science ne parvient toujours pas à fournir des preuves de la croyance dans le refoulement et les souvenirs retrouvés, et que la loi continue à se débattre avec ces concepts."


Souvenirs refoulés (Davis & Loftus, mai 2014)

Clinical Psychology

Le 6 mars 2015
Deborah Davis et Elizabeth Loftus ont publié en mai 2014 un article sous le titre “Repressed Memories”, dans The Encyclopedia of Clinical Psychology, les auteures font le point sur la question des soi-disant souvenirs refoulés « retrouvés » en thérapie. Élizabeth Loftus et sa collègue expliquent la "guerre des souvenirs" qui a eu lieu entre certains praticiens et les chercheurs scientifiques sur la mémoire.

- Certains praticiens, thérapeutes "de la mémoire retrouvée" avaient tendance à croire dans le phénomène du refoulement, à croire qu’une agression sexuelle était particulièrement susceptible d’être refoulée, et à croire en l’efficacité des procédures telles que l’hypnose, l’imagerie guidée et d’autres procédures thérapeutiques communément utilisées pour la récupération de souvenirs précis et sans distorsion, autrement inaccessibles à la conscience.
- Les scientifiques de la mémoire, d’autre part, ont trouvé ces affirmations fondamentalement invraisemblables. Un important corpus de recherche a démontré que les événements traumatiques sont particulièrement susceptibles d’être mémorisés, plutôt que d’être refoulés. De nombreuses recherches ont indiqué que l’essentiel des événements traumatiques a très peu de chances d’être oublié.

Élizabeth Loftus et sa collègue concluent :" Les 2 parties s’appuient sur des critères de vérité différents pour évaluer la question. Alors que la communauté scientifique exige des preuves scientifiques à l’appui de n’importe quelle position, la communauté des thérapeutes est plus convaincue par la réalité subjective de leurs expériences et de celles de leurs clients."
Les publications récentes sont données à la fin de l’article. Cet article a été traduit de l'anglais par Mme Axelrad et publié sur son site. Pour le lire cliquez ...ici .


Le refoulement n'a jamais été prouvé scientifiquement:
Mais ... c'est le credo des thérapeutes de la mémoire retrouvée


Voici le credo d'un thérapeute de la mémoire retrouvée qu'il transmet à ses patients:
"Lorsque des faits réels se sont produits, l'enfant a tout refoulé, parce qu'il avait peur, parce qu'il pensait que c'était préférable. mais l'inconscient, le corps n'oublient jamais, et l'enfant devint adulte et continue à souffrir, sans savoir pourquoi, puisqu'il n'a pas pu mettre des mots sur sa souffrance. Il suffit donc de retrouver ces souvenirs refoulés pour guérir."
Les souvenirs seraient donc, conservés intacts, comme le "mammouth laineux" conservé dans la glace de Sibérie, et peuvent revenir à la surface au cours d'une thérapie ...

Que sait la science sur le sujet ?

En réalité les études scientifiques s'accordent généralement à considérer que :
- les souvenirs que les gens se sont constamment rappelés sont susceptibles d'être exacts,
- les gens peuvent se souvenir d'événements auxquels ils n'ont pas pensé pendant un certain temps, voire des années après qu'ils se soient passés.
- Contrairement à l'hypothèse du refoulement, la recherche montre que la plupart des gens se souviennent bien des événements traumatisants comme l'Holocauste et les catastrophes naturelles - parfois trop - sous forme de flashbacks troublants.
Les cas du psychiatre-psychanalyste Boris Cyrulnik est à cet égard exemplaire. Le 10 juin 1944, à l'âge de 6 ans il est raflé par la Gestapo et enfermé dans la synagogue de Bordeaux. Il se cache dans les toilettes, il en est délogé, emmené avec les autres et sauvé alors par une infirmière. Il est ensuite pris en charge et caché par un réseau, puis placé comme garçon de ferme, sous le nom de Jean Laborde, jusqu'à la Libération. Ses parents, eux, mourront en déportation. Les souvenirs de ces évènements ne se sont jamais effacés et n'ont pas, non plus, été "refoulés". Il déclarera plus tard que c'est cette expérience personnelle traumatisante qui l'a poussé à devenir psychiatre.

Ou en est la controverse sur l'existence du refoulement ?

Sur la question de savoir si des souvenirs sont refoulés pour constituer un tampon contre les conséquences d'événements traumatisants, ou si les souvenirs refoulés sont « un bout de folklore psychiatrique dépourvu d’un soutien empirique convaincant», comme le fait valoir le psychologue Richard McNally, ce sujet a été âprement controversé dans la communauté scientifique.
Après avoir examiné 60 années de recherches David Homes (1990) affirme n’avoir trouvé aucune preuve de laboratoire convaincante de l'existence du refoulement. Plus récemment, après un examen approfondi et détaillé de la littérature, Richard McNally (2003) a conclu que le soutien scientifique aux souvenirs refoulés est faible.
Enfin, le fait que certaines personnes recouvrent, en psychothérapie, des souvenirs refoulés supposés, mais peu plausibles et sans témoignages d’événements comme une activité généralisée de culte satanique et d’enlèvements par des extraterrestres, font douter de l'exactitude des souvenirs bien plus plausibles qu’auraient soi-disant recouvrés des clients au cours d’un traitement.

Ou en est-on aujourd'hui ?

Dans la dernière décennie, la controverse, sur la mémoire refoulée, s’est calmée dans la communauté scientifique. Un consensus s'est dégagé sur le fait :
- que les procédures suggestives, comme l'hypnose, l'imagerie guidée, et des questions suggestives, peuvent générer des faux souvenirs d'événements traumatisants, et
- que le rappel différé des événements précis et s’en souvenir de nouveau résulte plus souvent de l’oubli ordinaire, que du refoulement.

Le refoulement est un concept issu de la psychanalyse

Sigmund Freud écrivait : "Le refoulement est un processus supposé par moi et je l'ai considéré prouvé par l'existence indéniable de la résistance" dans son livre Cinq leçons sur la psychanalyse.
Delphine Guérard, psychologue clinicienne, écrit :
« La vulgarisation du discours psychanalytique : certains s’approprient et dé complexifient des concepts empruntés à la psychanalyse et s’emparent de « preuves freudiennes » (dessins, rêves) pour conforter leur intuition. En pensant d’une façon naïve et simpliste qu’il suffit de « retrouver ce qui a été occulté pour guérir », la psychanalyse est réduite ici à la levée du refoulement. »
Jérémie Royaux, psychothérapeute et hynothérapeute belge, écrit:
"A ce niveau, on peut citer Freud qui, avant d'utiliser les associations libres en psychanalyse, utilisait l'hypnose. C'était l'époque de sa première "croyance" qui consistait dans le fait que les troubles psychologiques étaient souvent liés à des abus sexuels infantiles... Et il a donc utilisé l'hypnose pour "retrouver" ces abus... avec grand succès ... heureusement il a fini par se rendre compte qu'il en trouvait un peu trop et que c'était louche... il a alors abandonné l’hypnose, voyant la suggestion comme quelque chose de négatif. En gros : quand on cherche et qu'on insiste, avec autorité et directivité, on pousse le patient à répondre à cette demande."

La vision populaire des souvenirs refoulés, pour bannir les souvenirs traumatiques de la conscience, relève donc d'un mythe persistant.

Les 50 mythes de la psychologie populaire : le mythe N°13

les 50 mythes

Scott O. Lilienfeld et al. détaillent dans un ouvrage paru en 2010 : Les 50 mythes de la psychologie populaire.
Nous en avons extrait 3 et nous les avons traduit en français, notamment le mythe 13, qui se rapporte au refoulement. Vous pouvez lire la page de notre site ...ici

Mythe 13 : Les individus refoulent communément les souvenirs d'expériences traumatiques.
Citons Scott O. Lilienfeld :
"Nous pouvons faire remonter la vision populaire des souvenirs refoulés, à la croyance de Sigmund Freud, que névrose obsessionnelle et l'hystérie sont produites par le refoulement de l’abus sexuel dans l'enfance. Freud (1894) a considéré le refoulement comme motivé par l’oubli inconscient des souvenirs désagréables ou des impulsions (Holmes, 1990; McNally,2003)." [...]
"La popularité des procédures de recouvrement de souvenirs repose davantage sur des rapports cliniques informels que sur une recherche contrôlée (Lindsay & Read, 1994; Loftus, 1993; Spanos, 1996). En effet, il existe de nombreux rapports anecdotiques de personnes qui semblent récupérer, en psychothérapie, des souvenirs d'abus vieux de plusieurs décennies (Erdelyi 1985).
Néanmoins, après avoir examiné 60 années de recherche et n’avoir trouvé aucune preuve de laboratoire convaincante du refoulement, David Homes (1990), avec une ironie désabusée, a suggéré que toute utilisation, par un thérapeute, du concept de refoulement devrait être précédée de la mention suivante:

« Attention! Le concept de refoulement n'a pas été validé par la recherche expérimentale et son utilisation peut être dangereuse pour l'interprétation exacte du comportement clinique » (p.97).


"Plus récemment, après un examen approfondi et détaillé de la littérature, Richard McNally (2003) a conclu que le soutien scientifique aux souvenirs refoulés est faible. Il a fait valoir que les nombreuses études de cas mises en avant comme soutenant l'amnésie dissociative (Scheflin et al. 1997) ont omis de vérifier que l'événement traumatique a bien eu lieu, et que l'on peut généralement expliquer la perte des souvenirs dans ces cas en termes d'oubli ordinaire plutôt que de refoulement."


Qu'en disent ceux qui ont écrit sur le refoulement ?


elisabeth loftus

Selon E. Loftus, spécialiste américaine de l’étude de la mémoire (1997, «Le syndrome des faux souvenirs», Ed. Exergue) ou encore R. Webster, (1995, «Le Freud inconnu», Ed. Exergue) : « rien ne permet de prouver, en l’état actuel de nos connaissances, que le refoulement inconscient existe, ni qu’un souvenir retrouvé en psychothérapie soit vrai.»

 le syndrome des faux souvenirs

Elisabeth Loftus et son livre en français: Le syndrome des faux souvenirs


Why freud was wrong

R. Webster constate: « A ce jour, on a été incapable de produire des preuves solides qu’un seul souvenir d’abus sexuel retrouvé en thérapie corresponde à de réels épisodes. On a en revanche abondamment prouvé que la mémoire (surtout la mémoire enfantine) est extraordinairement malléable et imprécise.» (1995, p.484)

richard webster 

        Richard Webster et son livre : Why Freud was wrong


Richard McNally

R. Richard McNally est l'auteur du livre Remembering Trauma. Il a publié en décembre 2005 un article intitulé :
Le folklore de souvenirs enfouis:
« Comment les victimes se rappellent-elles le traumatisme, c’est la question la plus controversée que la psychologie et de la psychiatrie rencontre aujourd'hui.[...] La controverse a débordé des laboratoires de psychologie et des cliniques psychiatriques, monopolisant les titres de la presse, suscitant des changements législatifs, et influençant les résultats de procès civils et de procès criminels.[...] Évoquer une incapacité passée à se souvenir implique qu'ils aient tenté sans succès de se souvenir de cette agression, pour ne s'en rappeler que bien plus tard. Pourtant si ces individus étaient incapables de se souvenir de ces attentats, comment pourraient-ils essayer de s'en souvenir ? [...] Mais ne pas penser à quelque chose ne veut pas dire être incapable de s'en rappeler. C'est l'incapacité à se souvenir qui constitue l'amnésie.»

Remembering Trauma 

        Richard McNally et son livre : Remembering Trauma